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Juste avant la fin du Temps (un évangile selon Menahem) - 5

Pascal Gautrin - Mangeur d'Ombres

Juste avant la fin du Temps

– Un évangile selon Menahem –

5

 

Je ne l’ai plus quitté, le suivant pas à pas dans les pérégrinations qu’il a entreprises en Galilée. J’appartenais à son monde et je ne me souciais plus de rien… Nous nous trouvions toujours un grand nombre autour de lui, mais, à part un noyau immuable dont je faisais désormais partie, les visages changeaient tout le temps : des hommes, des femmes, nous rejoignaient au matin, passaient la journée en cheminant avec nous sur une portion de notre route ; le soir ou le lendemain, ils s’en retournaient chez eux afin d’y pourvoir aux besoins de leurs familles. Dans notre troupe, on ne se préoccupait pas de la nourriture : certains comme moi étaient démunis de tout… d’autres, qui avaient de l’argent, faisaient quelques achats en passant… et les visiteurs, chaque jour, apportaient dans leurs besaces des pains et des galettes, des terrines de légumes, des gâteaux de figues ou de raisins, des fromages, des poissons séchés ; le partage était la règle, ceux qui avaient donnaient à ceux qui n’avaient pas.

L’air de rien, Yeshu avait l’œil à tout. Il m’est arrivé de m’attarder en arrière et de rejoindre le groupe après que tous les vivres avaient été répartis. La première fois, je n’ai rien osé demander. Yeshu m’a appelé : – Menahem !... faisant du doigt le signe d’approcher. Je suis allé m’asseoir à côté de lui.

– Tu ne manges pas…

– Je n’ai pas faim… ai-je répondu, tandis que mon estomac protestait par des borborygmes.

– Menteur !... Aide-moi à finir ma part ; on me sert toujours trop.

Par timidité, j’ai encore bredouillé que je préférais sauter le repas.

– Mange ! a-t-il ordonné avec un sourire, en poussant son écuelle contre mon ventre. C’est de soldats costauds, bien nourris, dont nous avons besoin, pas de jeunes maigrichons…

Au coucher du soleil, on ramassait du bois mort pour allumer un feu à l’écart du village où nous étions arrêtés. On s’asseyait en cercle pour échanger dans un joyeux brouhaha les impressions de la journée, raconter toutes sortes d’histoires, souvent très drôles. Yeshu n’était jamais le dernier à partir d’un grand rire, le front renversé vers le ciel… La disciple Mariam de Magdala, une belle femme au visage de chatte, se tenait à sa droite ; la place lui était réservée, c’était admis de tous... Sans aucune marque, jamais, de penchant ambigu ou de sensualité – lesquels auraient, sinon, suscité immanquablement jalousies ou aigreurs au sein de la compagnie – Yeshu appréciait les présences féminines dont l’intelligence intuitive s’accordait d’emblée avec la sienne… Quand on avait épuisé les bavardages, il demandait à des musiciens de jouer quelque chose ; l’un tirait une flûte de son sac, un autre frappait sur une darbouka et on s’abandonnait à scander les rythmes des musiques, de la tête et des mains ; parfois on dansait ; on chantait aussi des vieux airs, durant une heure ou deux… On traînait encore un peu, après que Yeshu s’était retiré pour passer le reste de la nuit dans la maison où il était attendu – presque partout, les villageois se disputaient pour l’avoir et le coucher chez eux –. Quelques fois il préférait demeurer avec nous, dormir sur la terre et sous les étoiles.

(à suivre)

 

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